Thèse : Sarah MOURI — L'encéphalopathie hépatique, de la physiopathologie au traitement

01 - Avril - 2019

directrice : Dominique Thabut

(Équipe Housset)

L’encéphalopathie hépatique (EH) est une complication sévère de la cirrhose, dont le diagnostic en réanimation est souvent méconnu, et la physiopathologie est mal élucidée. Le rôle central de l’hyperammoniémie est connu depuis longtemps. Des études récentes suggèrent que l’inflammation systémique pourrait jouer un rôle majeur dans le développement de l’EH, notamment par le biais d’une altération de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique (BHE). Par ailleurs, une étude pilote faite sur des LCR de patients suggère qu’il pourrait exister des anomalies du cycle de Krebs au cours de l’EH.
Objectifs : (1) de mettre au point un score simple d’évaluation de l’EH chez les réanimateurs ; (2) d’étudier la présence éventuelle d’une augmentation de perméabilité de la BHE chez des patients atteints de cirrhose présentant une EH et hospitalisés en unité de soins intensifs au moyen d’une mesure de la gravité spécifique du LCR en tomodensitométrie (TDM) et (3) de déterminer les parts respectives de l’hyperammoniémie, de l’inflammation et d’un éventuel déficit énergétique dans la survenue d’une EH, au moyen de différents modèles animaux de cirrhose, et (4) d’étudier la prévention des anomalies par des médicaments ciblant ces 2 facteurs (benzoate de sodium et rifaximine-RFX) et la potentielle efficacité de la biotine, traitement actuellement en développement dans la sclérose en plaques permettant de restaurer les anomalies du métabolisme énergétique.
Méthodes : (1) sur le plan clinique, un score simple utilisé par les réanimateurs chez les malades présentant un coma a été validé sur une cohorte monocentrique de patients encéphalopathes ; (2) sur le plan physiopathologique : 2 modèles animaux différents de cirrhose ont été étudiés, l’un inflammatoire (ligature de la voie biliaire principale-BDL) et l’autre toxique (gavage au CCl4), et comparés à des contrôles SHAM. Certains rats étaient traités par un antibiotique (RFX-50 mg/kg/j), par un traitement hypoammoniémiant (benzoate de sodium-BNa 200 mg/kg/j), ou par de la biotine (30 mg/kg/j) ; certains recevaient un régime hyperammoniémiant (NH3). L’EH était objectivée par analyse du comportement des rats (dispositif de l’Open Field, validé chez les rats BDL). L’ammoniémie et les cytokines pro-inflammatoires plasmatiques étaient mesurées. La perméabilité de la BHE aux solutés était objectivée par injection de fluorochromes.
Résultats : L’ammoniémie des rats BDL et CCl4 étaient significativement plus élevée que leurs contrôles respectifs, alors que les concentrations plasmatiques de TNFα, IL6 et IFN étaient significativement supérieures chez les rats BDL que chez les rats CCl4 et SHAM. Les rats BDL présentaient des signes d’EH à l’OpenField par rapport aux rats SHAM. Ces anomalies n'étaient pas potentialisées par le régime hyperammoniémiant. Les traitements par RFX, BNa et biotine permettaient de prévenir l’apparition de l’EH chez les rats BDL (différences significatives pour toutes les mesures par rapport aux rats BDL non traités, et non différentes de celles des rats SHAM). A l’inverse, les rats CCl4 ne présentaient pas de signe d’EH à l’Openfield.
Une augmentation de perméabilité de la BHE aux solutés était objectivée chez les rats BDL par rapport aux SHAM, mais pas chez les rats CCl4. Chez les rats BDL traités par RFX, BNa et biotine, la perméabilité de la BHE était significativement diminuée par rapport aux rats BDL non traités, et devenait non différente de celle observée chez les rats SHAM.
Conclusion : Cette étude suggère que l’inflammation est un facteur indispensable au développement d’une EH chez les rats atteints de cirrhose, même en présence d’hyperammoniémie, et ce par une augmentation de la perméabilité de la BHE aux solutés. Elle suggère également de façon tout à fait innovante qu’il pourrait exister un déficit énergétique au cours de l’EH (du fait de l’efficacité de la biotine). Les traitements par RFX, benzoate de sodium et biotine permettraient de prévenir ces anomalies. Des expériences complémentaires permettront de préciser les mécanismes qui sous-tendent ces modifications et ainsi ouvrir la voie à de nouvelles cibles thérapeutiques.

Hôpital St-Antoine

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